Nos valeurs

Comment inscrire la réflexion urbaine dans une vision holistique de la ville, du territoire urbain, non seulement comme lieu de l’architecture, mais aussi comme un ensemble de composantes, de matériaux non physiques qu’il convient d’intégrer ?

Ces matériaux sont à rechercher dans l’histoire, la société et son organisation, son fonctionnement, dans les coutumes, les traditions et leur charge symbolique. La transversalité des approches est nécessaire : elle enrichit et renforce la pertinence du processus sensé de matérialisation.

L’acte d’architecture, en tant que processus applicable à toutes les échelles (agglomération, ville, quartier, îlot, parcelle), est donc aussi expérience culturelle. Et si l’architecte est le « metteur en forme », le « matérialisateur », il engage sa responsabilité au sein d’un concert pluridisciplinaire.

La question d’échelle d’un projet, qu’il soit architectural ou urbain, n’est donc pas à prendre uniquement au sens de définition de la focale d’appréhension du territoire, mais aussi au sens disciplinaire et au sens de la vision différenciée des acteurs.

Tous ces apports sont, à l’instar de la pierre, la brique ou le bois, la matière de l’édifice que l’architecte a la responsabilité de concevoir et de réaliser. Et « l’empilement des échelles » n’est pas uniquement vertical, il est aussi transversal.

Le triptyque du Développement Durable nous a montré la voie : il faut penser global pour agir local ! Il faut pouvoir penser le territoire, penser la ville pour « architecturer » !

Les territoires urbains ont été pensés pendant de nombreuses années comme des systèmes intégrés régis par des lois « immuables » sur les rapports de l’homme à son environnement.

Ils échappent aujourd’hui à une définition strictement linéaire. Ils sont devenus le cadre d’une diversité des temporalités que l’architecte doit prendre en compte à défaut de pouvoir les maîtriser.

L’adaptation permanente aux changements des contextes culturels, politiques, économiques et techniques est indispensable.

L’échelle des territoires pertinents est devenue « mobile ». Les stratégies de Développement Durable doivent être posées autant à l’échelle de la planète qu’à l’échelle de la commune, de l’agglomération ou de la métropole. Leurs temporalités sont souvent très longues et elles intègrent la notion de « réversibilité ». Elles s’inscrivent dans la nécessaire prise en compte des aspirations des générations futures.

La multiplication des acteurs, issue de la modification profonde des modes de gestion des territoires et du rôle de plus en plus important joué par la population, est un paramètre important qui modifie la posture de l’architecte urbaniste.

Celui-ci doit donc répondre aujourd’hui à la nécessité d’appréhender l’architecture, l’urbain et le territoire comme trois dimensions indissociables.

Il doit développer « l’échelle intermédiaire entre urbanisme et architecture, au service de la part visible des projets urbains dans la ville [1]», assumer son rôle et mettre à disposition ses compétences au sein d’équipes multidisciplinaires.

Il doit assurer ce lien entre les disciplines et en porter la responsabilité car c’est à lui qu’incombe le devoir de matérialiser la pensée multiple du territoire et de la ville par l’architecture.

La ville est un langage qui s’écrit avec un vocabulaire et une grammaire souvent « ésotériques », ce qui fait le bonheur de nombre d’architectes qui peuvent ainsi se poser comme « sachants, détenteurs d’un savoir élitiste, mais (ceci) devrait surtout leur faire prendre conscience de leur propre illettrisme et les inquiéter quant à leur capacité à communiquer avec leurs clients »[2].

La lecture de la ville est un préalable à toute démarche de projet. Elle est nécessaire à l’établissement d’une problématique sensée (qui a du sens), gage d’une réelle efficience du système complexe d’acteurs concernés par le projet.

Un problème est posé ! Par les gestionnaires de la ville : élus et techniciens, par les habitants. Une aspiration au changement est mise en exergue, … elle est souvent initiée par un constat de carence, … Mais, bien souvent, derrière la demande explicite, il y a un implicite qu’il convient d’identifier, un non-dit bien plus fondamental qui nécessite de « prendre de la hauteur ».

La responsabilité de l’architecte urbaniste n’est donc pas seulement de répondre à une demande explicite d’un donneur d’ordre, mais également de savoir « verbaliser » la demande implicite ; cette demande formulée plus ou moins inconsciemment par ces mêmes gestionnaires de la ville mais également par les habitants, les usagers, … les clients futurs, ceux qui sont, en réalité, les destinataires finaux du texte que l’architecte urbaniste participe à écrire.

L’expression de cette demande implicite n’est pas nécessairement « première ». Elle n’apparaît souvent qu’à travers le dialogue et la maïeutique que l’architecte urbaniste a le devoir d’animer.

D’où l’indispensable contextualisation de la problématique. Il convient de partir du général pour, progressivement atteindre le particulier.

 

 Les éléments du Contexte :

  • L’histoire, car montrer l’évolution de la constitution de la ville, du quartier – démarche facilitée par les outils de connaissance historique dont nous disposons aujourd’hui – est un préalable à toute formalisation d’une problématique.
  • Le site, sa géomorphologie (sol et sous-sol), son hydrographie, sa topographie.
  • Les grandes unités territoriales physiques, administratives.
  • Le paysage urbain (morphologie, densité, hauteur, …).
  • La trame urbaine à travers une grille de lecture morphologique et/ou symbolique (Voie, lisière, unité, séquence, nœud, repère, élément marquant, …).
  • La trame paysagère (grand paysage, continuum, rupture, aménités locales, …).
  • Fonctions urbaines et fonctionnalité (équipements publics, secteurs d’habitat, d’activités commerciales et de services, industrielles, mobilités, …).
  • L’analyse socio-démographique.

 

Les bonnes pratiques en matière de réflexion urbaine ou comment éviter la segmentation des actions sur le territoire :

  • Prendre le temps de la connaissance du contexte (tel que décrit ci-dessus). En fonction des enjeux (impact prévisionnel du projet en termes physiques, humains ou politiques), ce temps d’analyse pourra être plus ou moins long mais il est indispensable.
  • Recenser les coups partis : un recensement exhaustif des études et opérations en cours impactant le territoire d’études est indispensable (voir les démarches initiées par certains services ne répondant qu’à une partie de la problématique territoriale, voire également la méconnaissance des personnes ressources).
  • Reformuler la problématique et la décliner en enjeux et grandes orientations à une échelle élargie.
  • Re-formaliser le « programme » : il ne s’agit pas de ré-écrire celui-ci, mais de le retraduire à l’aune de la connaissance du contexte et des enjeux.
  • Hiérarchiser les actions à mener et développer leurs modalités de mise en œuvre avec les acteurs directement concernés en ne perdant pas de vue « l’intérêt général » du projet.

 

Les réflexes au service des bonnes pratiques :

  • Ne pas restreindre sa réflexion au périmètre du projet.
  • Identifier clairement tous les acteurs publics ou privés (chacun ayant son rôle à jouer, il convient d’abandonner les a priori souvent négatifs et contre-productifs). Rappelons par exemple que les acteurs privés peuvent être mobilisés très en amont pour la réussite d’un projet.
  • Intégrer le plus en amont possible et en toute transparence les politiques transversales, quel que soit l’échelon institutionnel (ville, agglomération, département, région, État).
  • Définir précisément les modalités de participation des citoyens (information, communication, concertation, co-conception).

 

 
[1] utilisé par Nicole Eleb–Harlé in : Conception et coordination des projets urbains – Editions Recherches – 2000
[2] Philippe Fayeton : le rythme urbain – Éléments pour intervenir sur la ville